Jour 91

Je suis moins fatigué mais avec des douleurs dans mes jambes tremblantes. Ce matin, nous avons décidé d'aller faire une courte promenade, ce que je ne fais pas assez souvent, pour retrouver un peu de force. Ce fut très dur : obligé de marcher à la vitesse d'un escargot sinon je ne peux plus respirer. Là, c'est l'emphysème qui est en jeu plutôt que le cancer. Nous avons dû faire environ deux kilomètres allez-retour. Je ne croyais pas être aussi diminué et pensais au contraire avoir récupéré un peu de souffle, juste un peu, mais un peu quand-même.

Cela m'a déprimé, alors les idées "aquoibonnistes" ont repris le dessus. Je me demande où se situe le point de bascule pour un guerrier qui perd graduellement tous ses moyens physiques jusqu'à se sentir devenir une loque, inutile et parasite de la société. Je ne me sens pourtant pas humilié car cette dégradation s'accompagne aussi d'ouverture du cœur, d'intelligence et d'amour. Mais malgré tout, je me demande et redoute ce point de bascule.

Je sais que je dois inventer un "nouveau Navjeet", mais je n'y parviens pas. Ça patine et je pleure en cachette. Je ne veux pas devenir seulement "pur esprit". Et en même temps quoi d'autre nous attend que le passage dans un cloaque où corps, esprit et toutes ces instances se délitent, ne laissant que le karma pour fabriquer un nouvel être, ni meilleur, ni pire ?

Non, je ne veux pas devenir seulement un "pur esprit". Je ne veux pas !

Cet après-midi un de mes maîtres m'a dit : "Pense à te laisser porter par plus grand que toi. Laisse cela le faire, laisse-toi porter..." D'accord, je vais essayer.