Les Six Yoga de Nāropa (littéralement les six Dharma, pratiques ou enseignements) sont un ensemble de pratiques tantriques rassemblées dans le Vajrayāna tibétain. Ils appartiennent à la tradition du tantra supérieur, l'Annutarayoga-tantra, et furent collectés et transmis oralement par le Mahāsiddha indien Nāropa (1016-1100) et son épouse Niguma. Ils parvinrent ensuite au Tibet grâce aux voyages répétés de Marpa Lotsawa, dit Le Traducteur, qui les enseigna à plusieurs disciples, dont le grand yogi Milarépa. Les disciples de ce dernier fondèrent la lignée Kargyüpa qui les approfondit en secret durant de longs siècles.
Naropa reçut de son Guru Tilopa quatre pratiques qui devinrent la base des "six yoga", et dont la plus importante est le çandali-yoga ou tummo qui sert de base pratique et spirituelle aux cinq autres yoga.
Soulignons aussi que Naropa n'aurait jouit d'aucune inspiration ni même de succès sans son Yidam (épouse mystique secrète). C'est pourquoi il n'est pas incongru d'attribuer ce corpus d'enseignement à Niguma, son épouse.
L'ensemble des Six Yoga constitue l'instruction finale du Sentier et vise à conduire le tantrika vers l'Éveil complet, parfait et sans supérieur (samyaksambodhi) en une seule vie. On désigne ici l'expérience comme Mahāmudrā ou encore Claire-Lumière. Il s'agit de la nature de Bouddha présente en chacun.
Dans le Vajrayāna, toute pratique s'effectue selon deux phases : kyérim ou phase de génération, et dzogrim ou phase d'accomplissement. Le premier stade appartient aux pratiques extérieures, et la seconde aux pratiques intérieures, la pratique ultime étant la phase secrète où le yogi demeure dans l'état parfait de non-effort (sahej-yoga), ou État Naturel. La pratique du niveau extérieur touche au corps grossier (sthûla-sharîra) et aux apparences du samsâra tandis que le niveau intérieur se relie à l'anatomie du corps subtil (sûkshma-sharîra), permettant la maîtrise des souffles (vāyu), des canaux (nādī), des gouttes (bindu), et des centres de conscience-énergie (chakra). Les Six Yoga regroupent et emploient tous ces niveaux et se construisent sur le Kundalini Yoga dans sa forme primitive (Kundalini-Shakti était à l'origine une forme féminisée du dieu Agni, le Feu).
Ce tableau récapitule les relations linguistiques et anatomiques entre les différentes pratiques.
Yoga | Tibétain (trans-Wylie) |
Sanskrit | État de conscience | Chakra (Khor-lo) |
---|---|---|---|---|
du Feu intérieur (de l'Ardente) |
Toummo (gtum-mo) | Chandālī | Méditation | Nirmana (Ombilic) |
du Corps illusoire | Gyoulü (sgyu lus) | Māyākāya | Veille | Mahasukha (Fontanelle) |
de la Claire-Lumière | Eusel ('od gsal) | Prabhāsvara | Sommeil profond | Dharma (Cœur) |
du Rêve | Milam (rmi-lam) | Svapnadarśana | Rêve | Sambhoga (Gorge) |
de l'État intermédiaire | Bardo (bar-do) | Antarābhava | Entre mort et renaissance | (Dharma) |
du Transfert de conscience | Powa ('pho-ba) | Samkrānti | Moment de la mort | (Mahasukha) |
Ces six yogas sont interdépendants et comprennent chacun un partie des autres. L'Adi Yoga englobe donc la totalité de ces pratiques. Par exemple, dans la sadhâna de Vajrasattva, il est aisé de constater qu'elles y sont toutes incluses. D'autre part, que l'accent soit mis sur le corps, le son ou l'esprit, cela n'y change rien. Autrement dit, il existe un Tummo où l'on fait de formidables bonds en l'air et un autre où l'on ne bouge pas d'un millimètre !
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