Tahatagata, un des dix noms du Bouddha, joli mot que j'aime beaucoup... Il se traduit par "ainsi allé-ainsi venu". L'expression semble un peu mystérieuse. Pourtant elle est un enseignement à elle seule.
Il est question d'"ainsité", mot qui n'existe pas dans la langue française. L'ainsité est l'union du vide et des apparences, de l'esprit et des phénomènes innombrables. Ce n'est pas la vacuité seule, ce ne sont pas les dix-mille choses à elles seules. En un mot, le Réel plein et entier, ce que nous peinons justement à percevoir car nous nous fions à 99% aux phénomènes impermanents et provisoires de notre existence comme seule réalité.
Alors, l'expression signifie que Bouddha est "allé en l'ainsité", c'est-à-dire qu'il a pris conscience du Réel et s'y est installé. Puis dans le même temps, toute sa vie, tout son être a exprimé ce Réel, il est "venu en l'ainsité".
Rencontrer l'ainsité est donc une expérience radicale et définitive. Tout ce qui va (dans le monde des apparences) vient du vide, et tout ce qui vient (du vide) va dans le monde des apparences, tout en même temps, naturellement et sans heurts. C'est aussi la Voie du Milieu en ce sens qu'il n'est pas possible de se complaire dans la vacuité ni dans le monde des phénomènes. Comme sur le fil d'un rasoir, nous nous tenons des deux côtés à la fois. C'est intrépide, tendre et totalement libre.
Quant tu épluches tes patates, si ton cœur comprend qu'il n'y ni patate ni éplucheuse, tu es déjà sur la voie du Tahatagata. Les frites n'auront plus jamais la même saveur mais ce sera la saveur de la perfection primordiale, en tout lieu, en tout temps.
