C'est vrai qu'il semble étrange d'exprimer le tréfonds de la conscience en termes positifs alors que le Bouddha Lui-même utilisait l'apophatisme à l'extrême et au point de ne rien dire sur la nature de la conscience primordiale. Mais cette approche correspond bien aux occidentaux et reste une particularité du Tantra.
Néanmoins, si tu exprimes cette conscience sans en avoir fait l'expérience, cela reste une simple croyance parmi d'autres. Une croyance jolie et romantique sans grand intérêt mis à part apporter de l'espoir dans une existence difficile. Et pour en faire l'expérience, le chemin nécessite l'abandon, l'exclusion de toute pensée en tant que vérité, un striptease intégral de "qui je suis" jusqu'à ce que tous ces nuages illusoires soient dissipés. On en revient donc à l'apophatisme du Bouddha, exigeant d'admettre que "telle chose n'est ni ceci, ni cela, ni ceci et cela, ni ni ceci et ni cela", jusqu'à ce que s'étalent dans ton esprit le grand silence et le grand espace de la conscience.
Oh ! Je ne dis pas qu'il doit en être ainsi en permanence, mais au moins une ou quelques fois, de sorte que dans cet infini la vraie nature de l'esprit soit aperçue. Il est remarquable qu'en cet instant émergent cette (positivement exprimée) intelligence fondamentale, cette innocence et cette bonté dont parle le Tantra. Ce sont là des qualités immédiates dans notre psychogenèse. Elles précèdent toute pensée, toute émotion, parole action. Les nuages reviennent. Mais c'est la luminosité de cette "pré-conscience" (prajna) qui les éclaire. Alors, comme dans la dernière stance du poème Zen, "les montagnes sont des montagnes" bien qu'elles ne soient pas les mêmes qu'au début.
Beaucoup de maîtres ont enseigné par le silence, car il n'y a rien à dire sur "ce-qui-est". C'est pourtant un travail que nous devrions effectuer nous-mêmes. Ils n'ont fait que montrer l'exemple. Dans le grand silence de la conscience, l'Univers se révèle dans ses frémissements incessants, sa tonitruance joyeuse et totalement libre. Tu n'as qu'à être là !
