Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 106

Jour 106

Quand je pense au jour 1 où je feignais d'ignorer ce qui m'attendait... Attitude qui ne risque pas de changer ton destin ! Enfin, bon...

J'écris de l'hôpital puisque je suis en traitement comme tous les vendredis. Je suis épuisé depuis hier, vraiment épuisé au point que j'ai redouté que cette chimio soit annulée. Mais non, alors c'est parti. Ça fait mal et j'ai demandé de ralentir la vitesse de l'injection. Je ne suis pas une Ferrari quand-même ! Ils m'ont donné des bonbons haribo. Ça déchire ces saloperies ! J'ai mangé tout le paquet puisqu'il est inscrit dessus "convient aux végétariens". 😉

En ce moment, j'ai l'impression que la Vie s'échappe doucement, très doucement de Navjeet, comme un parfum qui se dissipe au vent. S'endormir à jamais comme un songe qui rejoint le grand songe cosmique a quelque chose de tellement séduisant. Mais ce ne sont justement que des histoires de séduction... Alors, je reprends de temps en temps le mantra d'Amitayus et son élixir de Longue Vie. Je crois que je ne l'ai jamais écrit dans ce journal. Alors voici : OM AMARANAÏ JIWAN TYé SWAHA.

Et s'il te prend l'envie de le chanter un peu pour moi, j'en serais très heureux.

Ce matin j'ai entrepris d'assumer le corps pur de mon Yidam. Cela fait tellement de bien. Et puis, il est beaucoup plus lumineux et doux que celui de Navjeet. Seuls y règnent la sagesse de vacuité, la lumière de la conscience non altérée, et l'amour inconditionnel. La pensée va loin et l'émotion est comme un océan paisible et sans bord. Si tu passais dans le coin avec un cœur subtil, tu pourrais me voir dans cette majestueuse apparence du Yidam.

J'ai appris au fil du temps qu'échanger son corps contre celui du Yidam ne répare pas ni ne réactive l'énergie de ton propre corps ordinaire. C'est donc, sur un plan conjoncturel, un acte plutôt inutile et il serait bien crétin de l'envisager comme sorte d'action thérapeutique en soi. Néanmoins, l'expérience portant sur l'ouverture de la conscience, l'élargissement et même la dislocation de la pensée étroite, et accessoirement la cessation temporaire des souffrances, c'est tout de même guérisseur, mais d'un point de vue holistique, le biologique n'étant qu'une tout petit constituant de la maladie du samsâra.

C'est pourquoi dans l'Adi Yoga nous attachons beaucoup d'importance au développement du pouvoir de s'autogénérer dans le corps illusoire pur de la déité. C'est même dans certains textes sacrés considéré comme le Fruit du Sentier !

Dans cet état, il n'y a jamais de questions à se poser, les réponses arrivant avant même que sorte la question. Il n'y a jamais de choix à valider, la voie juste se dessinant d'elle-même. Toutes les complications et les injonctions inconscientes induisant une pensée réflexive autant que discursive ne peuvent avoir cours.

La "pureté" (du corps illusoire pur) a le sens d'absence de pureté et d'impureté, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de place pour les antagonismes duels. Ce corps-là n'existe pour rien, sans cause il se manifeste spontanément. Ce n'est pas le corps que tu génères au départ par l'imagination, évidemment, mais celui qui reste une fois que que tu as laissé tombé toute prétention, supposition, manipulation, espoir, peur, croyance... Oui, il reste bien "quelque chose qui est pur" dans le sens non-duel que je viens d'expliquer, pur en tant que transcendance, en tant que manifestation de la conscience sans objet. Il se présente alors comme un "habit de la conscience fondamentale", un pur hologramme qui permet au mental d'apprécier, de comprendre la vacuité de l'esprit, sa luminosité, sa tendresse infinie. Voilà ce qu'est le corps illusoire pur. Il se distingue du corps matériel, qui lui est impur du simple fait qu'il est rempli des immondices névrotiques qui ont cours dans le samsâra, cette fois dans le sens dualiste du terme.

Il est dit que c'est la plus grande siddhi, le plus grand pouvoir extra-sensoriel que puisse réaliser un être humain. En fait, on devrait dire le plus grand pouvoir sensoriel cosmique. En tous cas, dans un tel domaine, tous les possibles sont ouverts, immédiatement.

Déjà, visualiser le Guru au-dessus de sa tête, nuit et jour, est une bonne introduction, même s'il est extérieur. Cela revient à méditer nuit et jour tout en vacant aux activités de la vie quotidienne. Il n'est plus besoin de faire des séances de méditation et après des efforts pour "méditer en mouvement". Cela se fait tout seul. Il faut juste un peu d'attention.

Hélas, les gens n'ont plus de Guru avec qui méditer. Ils ont des "petits gurus" comme la drogue, la violence, les loisirs, le sexe, la télé, les polémiques, le foot, le smartphone, le travail, les vacances et que sais-je encore. Non seulement il ne le méditent pas au-dessus de la tête, mais ils en changent sans-cesse, si bien qu'ils ajoutent à la futilité et l'impermanence la fatigue de l'agitation mentale et physique, l'angoisse et le stress. Et à la fin de leur vie, ils ont du mal à comprendre pourquoi et comment ils n'ont en fait pas vécu.

C'est une question d'axe. Tout être et toute chose vibre autour d'un axe sans quoi le délitement serait de mise et l'univers une vaste bouillie. Et l'axe, pour nous, est le Guru, installé sur le fil de Brahma. Mais qu'est-ce donc que le Guru ? Et le fil de Brahma ? Une autre fois peut-être...

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