Je trouve que je n'ai pas beaucoup de connaissances mais de l'expérience, pas beaucoup d'habilitations mais la confiance en la Claire-Lumière, pas beaucoup d'étudiants mais des compagnons exceptionnels, pas beaucoup de pouvoirs magiques mais un esprit parfaitement clair, pas beaucoup d'ambitions mais un cœur présent et pur, pas beaucoup de sagesse mais un rayonnement d'amour inconditionnel. Rien que ça !
En peu de mots, je suis un ignorant, un icchantika dans la tradition. Les icchantika (sortes d'intouchables de la conscience spirituelle) sont indécrottables et l'on dit d'eux que le germe de bouddhéité a été brulé à jamais.
Huineng, au VIIIème siècle en Chine était un vagabond ignorant et illettré. Un jour il entendit un phrase chantée du Sutra du Diamant et son sang ne fit qu'un tour. Il eut une vive illumination. Encore frémissant de ravissement il rejoignit un temple Zen pour devenir moine et fut enrôlé comme cuisinier du monastère. Il était très fier de son ignorance car seul son cœur pouvait comprendre et parler. Il impressionna tellement ses frères et le patriarche qu'il devint le sixième patriarche du Zen, le seul ignorant de la lignée.
Il est à l'origine du courant philosophique nommé "subitisme" qui prend en considération le fait que l'éveil se produit subitement comme la foudre. Toutefois, et contrairement à ce que les fanatiques du subitisme racontent parfois, il n'en faisait pas l'apologie mais voulait montrer cet aspect important sur la voie sans pour autant mépriser le parcours graduel de l'émancipation, chaque être ayant des qualités et des capacités différentes. Il dit : "la méthode n'est ni subite ni graduelle, c'est l'homme qui est plus ou moins vif, plus ou moins obtus".
Cette notion d'éveil subit, je l'évoque souvent dans le cadre de l'Adi Yoga comme étant un "aperçu d'éveil" qui peut prendre place à tout moment sur le chemin qui, lui, est factuellement graduel ou progressif. Ce n'est que dans le cadre du Vajrayana et de l'Ekayana que graduel et subit se mêlent dans un concert vivant fait des remous incessants de la libération. Cette union des opposés est tellement importante pour un pratiquant de yoga et de méditation ! Elle doit être connue et reconnue pour savoir se situer sur le chemin.
Et il n'y a pas lieu de se désoler lorsque la foudre n'a pas encore frappé, ni lorsqu'on ne semble pas progresser. La patience est toujours la mère du succès. Elle doit être soutenue par la pratique mais aussi par la lecture de la vie des grands maîtres, l'écoute attentive, l'exploration, la discipline, l'éthique, la pratique de la générosité et de l'amour, la méditation, l'investigation...
