Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 219

Jour 219

A cause des douleurs, je suis allongé sur le lit à attendre que cela passe. Dans le salon d'à côté, Elodie et Emmanuelle discutent de leurs vies et de leurs découvertes. Et devant moi, perché sur une branche du mûrier platane, un merle chante.

Cela ne crée en moi aucune émotion, pas d'attente ni interrogation. Il y a quelques décennies, j'aurais ressenti plein d'émotions et vécu des analogies avec le passé ou bien des projections dans le futur. Peut-être aurais-je été heureux que la maison soit ainsi vivante des voix d'autres êtres. Peut-être aurais-je été ému du chant du merle et l'aurais poétiquement envisagé comme un contrepoint de la mélopée des filles. Peut-être aurais-je voulu acheter une maison plus grande pour qu'il y ait plus de filles à papoter... Bref, c'était ainsi autrefois. Et aujourd'hui, avec beaucoup de contentement, je peux seulement dire sans le moindre adjectif :

"Une chambre dans la pénombre

L'homme allongé sur le lit

A côté les voix des filles

Un merle chante

Silences et perles de son

Il souffle et s'endort"

Les Zens, avec leurs koans, savent bien rendre ce niveau de la conscience qui ne réveille rien tant elle se suffit à elle-même dans son silence, sa simplicité, son immédiateté. Je ne connais pas le Zen ni le mot employé pour cet état de la conscience. Mais nous, en Adi, avons le terme tathata, qui signifie "ce qui est ainsi" ou mieux "ainsité". Dans cette condition, la conscience est tranquille et dans un état d'acceptation, d'accueil et d'amour de tout ce qui est. Ainsité, vérité, immédiateté, vacuité... tous ces mots sont des traductions de tathata.

Un des dix noms du Bouddha est Tathagata : "l'allé en l'Ainsité". Pourtant, Bouddha ne s'est pas volatilisé dans l'esprit. Il est resté là, parmi ses disciples, tous sous l'emprise des pensées et des émotions, Lui-même se mettant parfois en colère ou bien s'amusant de quelque Brahmane récalcitrant. C'est pourquoi, on a aussi traduit Tathagata par "l'ainsi-allé-et-venu" en manière de signaler que cette conscience nue, simple et indépendante de la vérité des choses n'est pas séparée des émotions mais sous-jacente à elles, comme une lumière qui brille quels que soit les carcans et les agitations dont elle serait entourée. En peu de mots, Il est allé en l'Ainsité et est revenu se mêler. C'est l'attitude du Guerrier Spirituel dont on ne peut jamais savoir s'il est un simple page ou un grand chevalier car la parure de l'Ainsité est la même pour l'un et l'autre.

Le monde de l'Ainsité, en somme le paisible paradis de ce qui est, n'est pas ailleurs que dans et avec ce qui est, maintenant, ici. Il n'y a pas d'autre lieu, pas d'autre temps. Mais d'un point de vue pratique, cela signifie que la conscience en capacité d'appréhender l'Ainsité demeure parfaitement pure, calme, lumineuse et bienheureuse, qu'il y ait autour des émotions ou pas, des pensées ou pas.

Nous pouvons, sans faire de longues études, sans méditer pendant des années, faire chacun cette expérience de cette conscience claire dans les moindres détails de la vie quotidienne, et ce qui est le plus amusant, dans l'énergie et le mouvement même de la colère, du désir, de la peur ou de quoique ce soit d'autre. C'est la voie du Tantra, celle qui coupe directement à travers le fatras de la confusion samsârique.

One comment

  1. SylvainLux

    N’est-ce pas là l’enseignement le plus important? « Tout est là, tout est disponible. »
    Éveil et confusion sont « non-deux ».
    Les émotions sont la Sagesse primordiale.

    Pas de saisie, pas de rejet, pas de concept, sans effort…

    Gratitude et hommage au grand Bodhisattva Yogi Navjeet !

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