Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 191

Jour 191

Tiens ! Aujourd'hui, je vais continuer sur le thème du karma...

Lorsque nous commençons à nous intéresser et comprendre ses rouages, nous ne trouvons pas toujours cela satisfaisant car il invite à considérer notre responsabilité individuelle totale et la nécessité d'assumer tout ce qui survient. Dans notre culture, nous ne voulons pas tout assumer, n'est-ce pas ? Nous avons besoin d'autres responsables à ce qui nous arrivent ou bien d'y surajouter des aspects surnaturels. Cela semble correct, raisonnable et admis en général. C'est peut-être parce que nous voyons le karma comme un système de récompense et de punition. Cela sous-entend qu'un "personnage", de préférence divin, intervient pour distribuer les bons ou mauvais points. Je vous le dis, il n'y a personne de cette sorte mais seulement une loi naturelle.

Le karma est la manifestation psychophysique d'une loi très simple, mais fondamentale : la loi de causalité. L'univers fonctionne selon quatre lois fondamentales : l'interaction forte, l'interaction faible, l'électromagnétisme, la gravitation. La causalité s'y invite comme "liant" du point de vue de la relativité générale (selon Einstein). La causalité est donc une force fondamentales qu'on retrouve comme intervenante dans les quatre forces pré-citées. C'est précisément ce qui détermine la notion d'espace et de temps dans le samsâra, notre monde relatif.

Elle s'édicte ainsi : toute cause produit un effet, tout effet est le produit d'une cause. C'est ainsi que le Bouddha l’exprimait au début de ses discours, du moins tant que ses disciples n'étaient suffisamment éduqués. Puis, vinrent les enseignements supérieurs de l'Ekayana ("véhicule unique inclusif"). C'est amusant car le "véhicule unique inclusif" répond aux mêmes exigences métaphysiques que la théorie de la relativité d'Einstein, et même va plus loin dans le domaine de la physique quantique en dépassant la notion du temps en faveur de l'espace. (C'est pourquoi j'avais sur ce site écrit un article présentant, non sans humour, le Bouddha comme "le père de la physique quantique"). Bref, selon cette approche, la causalité est détaillée d'une façon plus précise en quatre aspects : la cause, l'effet, les influences externes, la rétribution. Cela change tout. Ce que la plupart évoquent en termes d'effet est selon cet enseignement la rétribution, ce qui est très différent et inclut la notion du temps. Bouddha enseigne que "la cause et l'effet sont un" (loi physique de l'interaction forte). Non seulement ils sont inséparables mais indissociés et indissociables. Pour qu'une rétribution quelconque soit possible, il faut que le couple cause-effet soit soumis à des conditions extérieures et que cela puisse se combiner dans le temps.

En comprenez-vous les conséquences métaphysiques ? Cela signifie par exemple que lorsque vous apportez de l'amour à une personne, l'amour que vous en recevrez dans le futur est déjà présent, acté, immanquable. Et si vous en doutez l'instant d'après, cela équivaut à une trahison envers la perfection du fonctionnement causal, et donc envers votre propre action, votre être profond et l'Univers. Si vous n'en doutez pas, selon les influences extérieures, la rétribution aura lieu de manière conforme à la teneur psychophysique de la cause initiale. Cela s'applique aussi, et c'est le plus important, à la quête spirituelle de la libération : l'acte de s'engager sur le chemin contient déjà son aboutissement. C'est pourquoi nous devons avoir confiance, le résultat est déjà là, disons potentiellement. Rien n'est plus stupide et délétère que d'en douter.

Parfois, lorsque nous accomplissons quelque chose de lumineux nous ressentons une joie immense dans le même instant : c'est que notre cœur est pur et notre conscience largement ouverte. Nous sommes alors en contact avec le fonctionnement fondamental de la causalité. C'est à ce moment-là, également, que nous nous fichons complètement du "résultat". Malgré l'intention, nous sommes dans un état de non-intention. Ce genre d'expérience est très important, il concerne l'intelligence de base de l'être humain et de toute chose.

Cette réalité du fonctionnement causal met en lumière l'importance de la confiance (shradda en sanskrit) qui est une sorte de foi sans calcul. Bien sûr, cette confiance conjoncturelle est l'émanation de la confiance fondamentale. Elle est semblable à celle de l'enfant envers ses parents tout-puissants. Quand nous comprenons en profondeur ce système, le désir de malveillance disparaît de lui-même car chacun d'entre-nous veut intimement être heureux et libre. Comprenons que ce désir de bonheur est lui aussi une émanation naturelle de notre santé fondamentale qui s'actualise à travers nos propres contingences samsariques, et donc karmiques.

On va me dire que la cause est elle aussi déterminée par des rétributions antérieures. Alors, nous voici englués dans un déterminisme inéluctable. Pourtant, sur le plan de l'état confus (du samsâra), il est faux de dire que toutes les conditions extérieures conditionnent la production rétributive, comme si elles étaient toutes sans exception agglutinées au couple cause-effet. Non, il y a de l'espace, de la distance (loi physique de l'interaction faible). Par conséquent il existe un espace ouvrant sur des possibilités d'interactions personnelles. C'est un peu comme si vous vous rendiez à une conférence sur un sujet quelconque : vous entrez dans la salle comme tout le monde, prenez place sur une chaise et commencez à écouter l'intervenant. Soudain, vous vous levez et vous promenez dans les allées tout en écoutant ou même en n'écoutant pas. Ce n'est pas conventionnel et engendre un chaos créatif. C'est ce genre d'espace qui existe dans toute situation de la vie quotidienne, il contient des possibilités infinies de briser le continuum karmique qui, en réalité, n'est qu'une suite convenue de causes et de conditions à laquelle nous nous soumettons seulement par ignorance et/ou cupidité.

Autrement dit, au sein même du continuum karmique se présente toujours un espace où chacun peut interagir et briser les apparentes fatalités, surtout si l'intention est là puisque, je le rappelle, si la cause d'émancipation est là, l'émancipation est là aussi, indéfectiblement ! 😉

Alors, on va encore me dire que cet espace d'ouverture et de libération est lui aussi conditionné par une suite causale. Eh bien cette fois, j'abdique ! Car c'est exactement ce qu'a dit Bouddha dans l'Ekayana concernant cette fois le domaine de l'Absolu. Il s'est déclaré, à titre d'exemple, être éveillé depuis un passé sans commencement (contrairement aux apparences traditionnelles d'un chemin vers l'illumination) et par cela faire que tous les êtres sont eux-mêmes déjà éveillés, comme des fils et des filles du même sang. Cela signifie que le couple cause-effet est l'état parfaitement éveillé, ni plus, ni moins. En d'autres termes, cela signifie que vous et moi sommes tous condamnés au... bonheur ! C'est ce que nous appelons la cause fondamentale ou encore la base toute pure en Adi Yoga. La Voie consiste donc en l'actualisation de cette réalité et non en un chemin vers une (im)probable libération. N'est-ce pas merveilleux ? De façon plus romantique, je dirais que nous sommes continuellement bénis, que nous voulions ou non. Quoique nous fassions cela s'avérera. Selon les actes, paroles et pensées de chacun, cela mettra plus ou moins de temps, c'est tout.

C'est pourquoi l'actualisation de la confiance fondamentale dont je parle souvent est la nourriture du Sentier pour le Guerrier Spirituel, son sang, plus encore que la prise en considération du terrain de base, le samsâra. On dit que comprendre cela revient à tracer directement à travers l'insondable magma de la confusion ordinaire. C'est ce que fait le moine lorsqu'il détruit le mandala faussement merveilleux d'un seul trait avec son vajra (couteau rituel à deux pointes).

Pardon pour tant de théorie, mais nous avons un cerveau et une intelligence. Qui négligerait d'en user en cette vie renaîtrait sans ! C'est aussi cela la causalité... 😉

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