Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 82

Jour 82

J'ai été heureux ce matin de reprendre le yoga pour la première fois depuis longtemps. Hélas, et à nouveau, ai-je présumé de mes forces. Dans la série improvisée, s'intercalait la célèbre "Grenouille" version Yoga Kundalini qui consiste à monter et descendre sur la pointe des pieds sans poser les talons au sol en rassemblant les genoux une fois en hauteur et le bout des doigts posés au sol. J'en faisais toujours au moins 26 chaque jour (minimum recommandé) sans problème. Mais cette fois, parvenu à 20, ce fut un terrible essoufflement et suffocation qui s’emparèrent de moi, un peu comme quand j'ai failli me noyer quelques jours auparavant. J'étais seul et ai pensé ne pas pouvoir m'en remettre. Je me suis mis à transpirer et trembler pendant un long moment. Puis avec mahamudra (que j'adore), cela s'est calmé mais ça m'a tout de même brisé pour la matinée. On m'y reprendra !

Lorsque de telles crises arrivent, je ne peux empêcher les larmes de jaillir de mon corps, et une immense tristesse doublée du désespoir m'envahissent. Je ne comprends pas encore pourquoi, comment... Et un "anti-mantra" se met à tourner dans mon mental : "je n'y arriverai pas, je n'y arriverai pas, c'est trop dur."

Ce genre d'obstacle impacte aussi toute la famille et particulièrement ma chérie dont je redoute régulièrement qu'elle craque et se désespère. Nous sommes tous courageux et faisons bonne figure. Mais parfois j'ai l'impression qu'une mort violente et soudaine serait plus saine pour les autres.

Pourtant, "quand il y a de la vie il y a de l'espoir" dit-on. Et je ressens en contrepoint que je n'ai nulle raison de mépriser ou de négliger la réalité présente qui de toute façon ne m'appartient pas, et me sens invité à me battre pour remporter la victoire sur le Diable. Car, ces pensées et ces émotions font partie de la stratégie vicieuse et très secrète du Diable, ne croyez-vous pas ?

Et puis, malgré toutes ces souffrances, je suis constamment dans la lumière, je ne redoute ni le malheur, ni la tristesse, ni la douleur. C'est une expérience très instructive, et qui m'oblige aussi à sortir d'une certaine forme de déni et du déni d'une certaine forme. Rien que pour cela, merci, merci.

Le reste de la journée s'est bien passé malgré une tension très basse.

Bavardages

La liberté nous donne l'opportunité d'être généreux car c'est une condition noble et naturelle de l'être qui permet d'entrer en contact avec tout ce qui est. C'est un peu ainsi que Chögyam Trungpa enseignait à une époque (seventies) où les gens, malgré leurs névroses, se sentaient libres mais pas forcément généreux et opulents dans l'amour. Aujourd'hui, le monde a changé et est devenu cynique. Nous ne sommes plus seulement névrosés mais aussi pusillanimes, hyper-réactifs, timorés et hypocrites, non seulement à l'égard des Dharmas mais de la société toute entière, et donc à l'égard de nos frères et sœurs.

J'évoque bien sûr de la générosité de la Bodhicitta, le "Cœur d’Éveil" du Boddhisattva, celle qui ne sait s'inscrire dans un processus de séparation et surgit du fond de l'être envers tous les êtres y compris la Nature et tout ce qui la compose, et non pas celle des manuels de psychologie formatés pour de meilleures relations sociales. C'est par exemple celle du moine qui m'a offert la pilule de longue vie dont il avait bien plus besoin que moi, tu te rappelles ?

Alors, j'ai envie de lancer le slogan inverse : "La générosité nous donne l'opportunité d'être libres".

En effet, il y a dans la générosité un allant naturel : donner et partager, voire même sauver ou mourir, un élan qui ne connaît pas d'arrière-pensée, s'invite directement dans la relation comme tout enfant reconnaît l'autre à son image. Il n'est pas question ici de vertu, de combat, de gratification, ni même d'une quelconque charité capiteuse. C'est la grégarité naturelle dont les ressorts sont l'amitié, l'amour, la solidarité...

La générosité du Boddhisattva se dispense de normes et de négociations et peut mener à toutes sortes d'actions, de paroles et de pensées spontanées, loin des standards pontifiants et des lois mondaines, surtout lorsqu'elles sont iniques, illégitimes ou criminelles.

Face à l'adversité, qui aujourd'hui nous conduit lentement mais sûrement vers l'horreur, chacun, seul ou en groupe, cherche le chemin de la "zone libre" comme c'est toujours le cas en période de guerre. Mais la liberté, cette "zone libre", ne peut être un but à atteindre, car elle est une condition initiale de l'être, ce qui signifie qu'elle est déjà présente et opérationnelle. On ne peut donc la trouver que dans la solitude intérieure du cœur, puis la reconnaître, la préserver.

Chacun devrait essayer de "décapsuler" ce cœur ! Et le décapsuleur est la générosité du Bodhisattva. Ce n'est pas réservé à une élite d'éveillés. Encore une fois, tout être en est doté indépendamment de sa culture, race, religion, etc. Dans la reconnaissance de l'autre, il n'y a même pas de monde à construire, de projet à porter, de croisade à mener. Tout se fait directement par vagues successives, il suffit juste de participer. Le frémissement prenant place dans le cœur de deux êtres qui se reconnaissent comme non séparés suffit à initier une immense vague d'amour modifiant sans conteste tous les paradigmes en cours.

La liberté est seulement le terrain et c'est lorsque l'avion de la générosité décolle que ce terrain, immense et riche, est aperçu. Chaque action, parole ou pensée généreuse permet de jouir de cette liberté fondamentale et équanime sur laquelle s'entassent aussi bien nos névroses que la pureté de notre esprit.

Sinon, il n'y a rien, c'est juste de l'idéologie...

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