Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 72

Jour 72

J'ai reçu un sms d'un ami d'adolescence, le premier à qui je fis connaître le Dharma du Bouddha. En même temps que nous partagions les pétards, les virées à la voile dans le golfe du Morbihan, les teufs d'enfer, les festivals de musique et les filles (la liste n'est pas forcément dans l'ordre). 😉 Nous nous sommes souvent perdus de vue ensuite, avons plusieurs fois essayé de travailler ensemble, avons eu successivement la même épouse... Bref, une sorte "d'ami-miroir" ou "d'ami-jumeau". Il vient d'apprendre ma situation par hasard et dit dans son message qu'il part ce jour vers l'hôpital d'une ville bretonne pour entamer une chimio pour un cancer du poumon diagnostiqué récemment. N'est-ce pas étonnant ? Nous allons une fois de plus nous retrouver pour nous soutenir mutuellement, réparer les "pots cassés" mais cette fois à coup de perfs et de rayons X, partager quelques recettes de marabout, et encore refaire le monde (c'est notre spécialité). Je suis très heureux de ces retrouvailles et je suis persuadé que si l'un s'en sort, l'autre s'en sortira aussi. C'est ça les liens éternels d'une fraternité mystique qui transcende le temps et l'espace.

Deux slogans à vous partager

Pour celles et ceux qui sont en chemin, il y a deux pôles importants de la spiritualité : la Vue et la Réalisation. L'une ne va pas sans l'autre. La Vue consiste à s'ouvrir intellectuellement et intuitivement à la nature de l'existence et des phénomènes en tant Grande Vacuité. Et la Réalisation consiste à faire pénétrer la Vue dans le continuum de l'action jour après jour, instant après instant.

Le premier slogan est : "Ne laisse pas la Vue se perdre dans la Réalisation". Cela signifie que la Vue, aussi merveilleuse soit-elle grâce aux illuminations dévoilant le Réel, peut s'effondrer dans la Réalisation en raison de la distraction, de la paresse, de l'orgueil ou d'autres défauts. Il s'ensuit une disharmonie induisant un déséquilibre, une perte de la joie et de la clarté. Et finalement la Vue sera aussi une perte comme on laisserait tomber un précieux diamant dans le caniveau. En chaque souffle, la Vue devrait être célébrée et vénérée, et cela jusqu'à ce qu'elle puisse investir totalement la Réalisation. Tout, absolument tout, devient alors vibration d'amour, émerveillement incessant, intelligence insurpassable, en un mot le plein éveil est présent. Tu vois, il y a donc un travail pour s'éveiller. Il ne suffit pas de se complaire dans la Vue. La complaisance dans la Vue forme "l'ego spirituel", bien plus ravageur que l'ego ordinaire, et fait entrer notre être dans un espace de sécheresse et de condescendance à l'égard de tout le vivant.

Le second slogan est : "Ne laisse pas la Réalisation obturer la Vue". Cela signifie que les actes, paroles et pensées, n'ont ni grande valeur ni impact significatif si le sens primordial entre-aperçu (la Vue) est recouvert d'une montagne d'efforts avides de résultats, d'une quête d'avancement en toute méconnaissance ou mécompréhension du But. Cela reviendrait à user du diamant comme d'un vulgaire presse-papier alors qu'il aurait pu nous sortir de la misère et nous éviter tant d'efforts inadéquats pour survivre à peine. Cette erreur fait subir à l'être beaucoup de fatigue, du doute, du découragement et de la colère.

Confronté à ces deux extrêmes, il importe de se détendre, d'être doux et conscient, de laisser la Vue s'inviter dans les moindres recoins de la vie ordinaire et de concevoir cette vie ordinaire, si précieuse, comme une célébration de la vérité de la Vue, son actualisation, son objectivation dans le samsâra (qui s'appelle alors Nirvana). L'union de la Vue et de la Réalisation est la voie royale vers la Libération, c'est rien de moins que l'Union de la Sagesse et de la Compassion. On se sent peu à peu et enfin "normal", équilibré, juste... humain. Un grand plaisir transcendant tous les plaisirs mondains, une grande joie transcendant toutes les joies mondaines. Vivre et comprendre que c'est bien l'ordinaire qui est extraordinaire ! Il n'y a pas d'au-delà de Cela (à part la poudre de perlimpinpin, bien entendu).

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