Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 157

Jour 157

Je suis à l'hôpital pour l'immuno. Cette fois il y en a pour presque trois heures ! Ils ont ajouté un produit pour faire baisser le calcium car je suis encore en hypercalcémie, puis une heure trente de réhydratation, et enfin le produit de l'immuno.

J'ai prévenu que je prends des corticoïdes contre avis depuis dix jours, ce qui peut remettre en cause la cure de ce jour, mais apparemment ils s'en foutent.

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Réflexions sur la relation samsâra-nirvana.

Les problèmes et névroses de l'état de confusion propre au samsâra sont indispensables pour réaliser l'éveil qu'on nomme nirvana. En général, nous faisons tout notre possible pour éviter les souffrances de la vie ordinaire. Et nous pourrions en éliminer une bonne partie juste en nous retirant du monde, par exemple en allant vivre seul dans une grotte de montagne ou dans le désert. Seulement, rien ne garantirait une progression vers un quelconque éveil, en tous cas à caractère définitif. Dans la solitude, il se peut que les états névrotiques du samsâra soient provisoirement masqués ou adoucis. Ce n'est hélas qu'une situation provisoire et les chances sont maigres pour l'anachorète de prendre assez de vitesse de sorte à échapper à la pression de son "samsâra intérieur".

Cela m'évoque un très beau film (j'ai oublié la date et le nom du réalisateur) qui s'appelle justement "Samsâra" et qui conte l'histoire d'un yogi fort courageux resté trois ans, trois mois et trois jours dans la totale obscurité d'une grotte fermée tel que le veut la tradition. A sa sortie, il est fêté comme un héros au cœur pur et illuminé. Mais quelques mois plus tard, lors d'un rituel de danse dans le monastère où tous les villageois participent également, il aperçoit dans l'assistance une femme donnant le sein à son bébé. Tout bascule. Son désir de femme, de fonder un foyer et de partager la vie du village se réveille soudain et il abandonne bien vite tous ses vœux pour se mettre en quête d'une compagne et de la vie qui va avec. Qu'est donc devenu ce détachement, cette liberté spirituelle ? Du vent, pure illusion, comme le reste.

Si le samsâra n'existait pas, le nirvana ne serait pas possible également. Au point de départ, il nous faut un terrain, quelque chose à partir de quoi nous pouvons évaluer, espérer, considérer et bondir. Rien, en fait, n'est plus précieux que le samsâra et sa cohorte de délires névrotiques. C'est le terrain, la base de lancement de la "fusée akashique" dont tout être à besoin pour s'élever et résorber la douleur et la folie du monde en lui-même.

Je pense donc qu'il est dommageable de refuser l'instant, aussi délétère qu'il puisse être. Car la réalité commence ici, dans ce qui est, là, tout de suite. De plus, le samsâra n'est pas seulement le terrain mais aussi le terreau : chacun de ses phénomènes est une nourriture permettant de s'éveiller à la Connaissance et d'actualiser notre potentiel tant individuel qu'universel, même si cela ne conduit pas toujours au nirvana. C'est pour le moins une opportunité de libération, partielle ou totale.

Vivre dans et avec le samsâra n'exige pas de respecter ses dictats. Si le terrain ne nous plaît pas, nous pouvons le modifier, planter un arbre de compassion ici, gratter la terre des névroses là, et mille autres actions bénéfiques. Il importe alors d'entraîner l'esprit, car il a été mal élevé, incompris et avili, justement par les dictats samsâriques transmis de génération en génération et de vie en vie. C'est ce que j'appelle "repeindre sa prison en doré" et qui a trait au "matérialisme spirituel".

Pour autant, nous ne pouvons nous permettre d'ignorer les lois fondamentales qui régissent le samsâra, notamment celle du karma ou causalité. Ce fut le premier enseignement du Bouddha, résumé en ce que les actions vertueuses augmentent le bonheur pour soi et pour les autres et les actions nuisibles augmentent le malheur pour soi et pour les autres. Bien que cela reste cantonné au domaine du matérialisme spirituel, d'aucun doivent composer avec cette évidence minimale pour vivre heureux dans le samsâra.

Si, de plus, ces actions se tournent vers l'ambition de quitter définitivement un tel paradigme (par l'augmentation des capacités, de l'éthique et du pouvoir personnel), eh bien cela devient un Dharma, tel celui qui conduit au nirvana, la cessation de la souffrance due aux multiples névroses et folies engendrées par la mécompréhension de leur nature illusoire concomitamment à la pureté absolue de leur source non-née.

De même qu'il existe des fous du samsâra, soit la plupart d'entre nous conditionnés dans la superficialité, l'ignorance et le déni, il existe aussi des fous du nirvana, un petit nombre d'obsédés de la vacuité qui, tenant tout pour illusoire, méprisent de négation le terrain lui-même duquel il prétendent s'élever. Cette dernière approche est pire que notre coutumière hypocrisie samsârique car elle détruit de façon irrémédiable toute possibilité d'éveil en ce que la petite flamme du désir divin se trouve soufflée par une arrogance absolutiste et irrationnelle.

Il est bon que la Kundalini s'éjecte quelques temps pour fricoter avec l'espace infini de la conscience. Mais en définitive, de même que tout ce qu'on projette au ciel retombe au sol, elle doit redescendre pour s'installer au cœur de l'être. Le cœur n'est ni le sol ni le ciel, mais l'état intermédiaire où tout s'unit, s'aime et s'enlace, où finalement l'amour rayonne à l'infini. Retour à la condition originelle de l'esprit.

Je vois qu'il n'y a pas d'amour dans le seul ciel de l'esprit, pas plus que sur la seule terre de l'incarnation car il y manque toujours une moitié, ce qui conduit les êtres qui s'attachent à l'un ou l'autre vers l'erreur et les fanatismes. De l'amour, en revanche, il en existe à foison dans l'Union siégeant dans ce cœur fait tout spécialement pour le vivre et capable de tout accueillir et de tout donner.

Donc, aimons notre "samsâra de merde" car il est le divin compost pour les Guerriers Spirituels qui ambitionnent de conquérir la citadelle du nirvana.

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