Beaucoup de personnes pensent que la méditation sert à contrôler les pensées ou les émotions gênantes et qu'une fois cela "réalisé", on se retrouve libéré(e), comblé(e) par la joie, l'amour et l'intelligence. Ce genre de conception est entretenue par un matérialisme occidental fondé sur l'idée que le bonheur serait une situation humaine idéale à construire à la manière d'une carrière professionnelle ou d'une maison.

Loin de moi l'intention de critiquer une telle démarche! C'est déjà formidable de jouir de cette ambition plutôt que de déambuler dans le monde sans but ni espoir et prisonnier de sa propre inertie. Mais il faudra sans-doute en passer par certaines désillusions. Si le contrôle de notre esprit est en général pratique et souhaitable pour limiter un peu les dégâts, cela ressemble plutôt à du "fitness spirituel", en somme une perturbation supplémentaire!

Le propos de la méditation, en ce qu'elle nous met en contact avec la nature de notre esprit, est de permettre au connaisseur de découvrir l'état naturel de ce même esprit. Du coup, toute perturbation est perçue comme poussière passagère ou comme altération éphémère de cette nature.

La perception, même très fugitive, de l'état naturel de l'esprit bouleverse nos valeurs de la cave au grenier et se montre d'elle-même la source vive, continuellement remuante et frémissante, de la démarche méditative. Elle engendre de façon implacable une notion de "base" ou de "terrain fondamental" à partir duquel on se sent capable de s'élancer, non-pas pour construire (un monde ou un soi meilleurs) mais bien pour dé-construire les processus de la souffrance, de l'aliénation et de l'auto-illusion en général.

Les actions bienheureuses et créatrices en découlent sans effort comme un fleuve irrigue ses berges.