les-temps-modernes.jpgCoup de gueule de la semaine.

Personne n'a jamais obligé les humains à travailler. Pourtant, cela fait bien une vingtaine de millénaires que nous nous infligeons cette torture qu'est le travail. Il serait si simple et si agréable de vaquer tranquillement à ses occupations, se regrouper de temps en temps autour d'un lac ou dans une vaste prairie avec ses amis et ses connaissances pour papoter du temps ou d'autres choses. La faim venant il suffirait de ramasser quelques fruits mûrs, de dénicher quelques racines, ou encore de déguster des aliments que nous aurions su conserver pour les jours rigoureux. Nous pourrions passer une partie de notre temps à tisser nos habits et à les décorer, à construire nos habitats précaires et bio-respectueux, à transmettre aux petits la mémoire de l'humanité, ou juste celle de notre groupe.

Au lieu de cela, nous travaillons pour gagner de l'argent et avec cet argent acheter de la nourriture préfabriquée, ce qui remplit les poches des "préfariquants" qui gagnent aussi de l'argent et s'achètent de la nourriture à leur tour. Mais ce n'est pas tout : nous gagnons beaucoup trop d'argent! Mais oui! Nous sommes "obligés" de le dépenser dans des objets futiles, inutiles, encombrants et polluants. Et cela fait, il nous en reste encore pour payer des impôts qui serviront à financer toutes sortes de guerres, physiques comme psychologiques, à satisfaire aux exigences des grands trusts, et accessoirement à contenter la population la plus démunie quand elle se manifeste un peu trop.

Encombrés d'objets inutiles mais indispensables, de désirs stupides mais tellement chéris, de pensées déprimantes mais si nécessaires, nous travaillons encore et encore, oubliant le chant du coq, ignorant la vraie longueur des cils des filles, révoltés à l'idée que le Xanax ne fait pas le bonheur, déprimés en pensant que la retraite est si longue à venir... Ah mais il y a quand-même des choses rassurantes : un body de chez H&M ne dure pas plus longtemps qu'un déjeuner de soleil. Pas le temps de s'attacher, donc! Les Indiens auront bientôt chacun leur Tata, voiture la moins chère et la plus polluante du monde. Malgré La Crise, les banquiers n'ont jamais fait autant de profits, Traders compris. Et à la télévision, les Infiltrés nous révèlent tout ce que nous savions déjà!

Encore une fois, nous n'étions pas obligés d'en arriver là. Mais nous y sommes et trouvons cela "normal". Et pourtant, notre civilisation, si belle, si triomphante, si savante se sent mal. Elle a mal au cœur, mal à sa pensée, mal dans son corps... Oh! Mais pas de problème, c'est l'opportunité de développer un nouveau marché : le bien-être. Ça ne va pas bien? On va s'occuper de toi. On va remplacer les curés par des médocs et les médocs par des stages de remise en forme.

Au fait, pourquoi pratiquer la méditation dans un tel contexte? Ça sert vrai-ment-à-quoi? Est-ce pour contribuer à huiler un tel système par la douceur et la docilité? Est-ce au contraire pour le fuir? Ou alors est-ce dans l'espoir d'obtenir en rêve(s) tout ce que votre argent ne vous permet pas de vous offrir?

Ah mais pourquoi est-il si méchant!?!

Si par miracle le désir de méditer s'emparait de vous, sauriez-vous créer une rupture? Une authentique rupture avec ce mode de fonctionnement qui vous maintient au fond du trou social et la tourmente humaine? Peut-être que la méditation est une dernière chance pour nos contemporains, l'ultime possibilité d'un sursaut spirituel dont rien ni personne ne pourra s'emparer, la dernière porte dont il est possible qu'elle s'ouvre sur une expérience complètement différente du "connu convenu", quelque chose qui pourrait bouleverser les valeurs actuelles du monde et leur ordonnance, restituant à l'"être" la place qui lui est due.

Bien-sûr, je fais un peu de provocation. On peut très bien méditer juste pour aller mieux, pour se détendre, ou par simple curiosité. Y'a pas moins pire... Alors, disons que ce message s'adresse aux révoltés, aux paranos, aux anars, aux rebelles... et accessoirement à ceux qui ne savent pas ce qu'ils font là. Ils existent (enfin... paraît-il...)