J'ai passé l'essentiel de mon existence à m'occuper des autres. Cela n'est pas venu d'un vœu pieux, d'un projet, d'une attente quelconque. C'est juste mon tempérament je crois. Désormais la vie me fait une injonction sans alternative possible, m'occuper de moi. Et de moi, encore moi, toujours moi" ! J'ai prêché la mise en retrait de l'ego, la modestie et l'humilité, la vénération de l'Autre. Quel drôle de tour elle me joue quand-même ! J'ai l'impression que l'apprentissage consiste à s'occuper de ce "moi" sans se focaliser sur lui, ce qui est certainement différent de l’égocentrisme propre au samsâra.
S'occuper de soi doit certainement comporter des pistes de transcendance. Je ne l'affirme pas : je suis en apprentissage, là. Pour le moins, j'ai besoin de dissiper la culpabilité que cette situation engendre et de surmonter le sentiment fantasmatique d'abandonner l'Autre par ce très fort repli, momentané j'espère. Si j'étais raisonnable comme un psy, je me dirais quelque chose du genre : "Mais que ferais-tu d'utile et de pertinent pour les autres si toi-même ne va pas bien ?"
Seulement voilà ! Je ne suis pas raisonnable et ce genre de discours est trop convenu pour moi. J'ai la chance, par la Grâce de la schizophrénie sacrée, de vivre la différence entre "moi" et "Navjeet". Me voici enjoint par la Vie à m'occuper de Navjeet. Toute la subtilité est là. C'est la piste à suivre et le cap à maintenir. Navjeet fait partie de ces "autres". Donc, rien n'a changé au fond, hormis qu'en ce moment il a besoin de plus d'attention comme à d'autres moments certain.es de mes ami.es ont eu aussi besoin de plus d'attention.
Par ailleurs, je n'ai pas d'obligation à m'identifier à ce personnage et en même temps c'est souvent plaisant comme de rouler dans une Ferrari. Oui, bon, une vieille dodoche en ce moment... Mais sais-tu qu'avec la meilleure dextérité du monde, il est impossible de chavirer avec une dodoche ? Ah !
