Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 79

Jour 79

Et ça y est, le site est posé. Non sans mal. Ils ont commencé par m'oublier dans les couloirs, puis le chirurgien a été appelé pour des urgences. j'ai donc passé trois heures à attendre. Puis, je m'en doutais, ils n'ont pas trouvé de veines (j'ai plein de veines mais petites), ce qui a nécessité d'aller plus en profondeur et évidemment c'est horriblement douloureux. Mais c'est terminé maintenant. J'ai mal et me demande comment dormir puisque je ne le peux que sur le ventre, or le site est posé sous la clavicule... Mais on s'en fout !

Je voudrais vous parler de l'humour, parce que je trouve que les maîtres, gurus et enseignants qui manquent d'humour ont tendance également à manquer d'une certaine dimension de la spiritualité. Le sentier est joyeux quoique notre vie se coltine souvent des déceptions et des croche-pieds auto-générés. Bien sûr, ce n'est que mon avis.

Je vois deux sortes d'humour : l'un, ordinaire, consiste à faire des blagues ou le pitre en se moquant des situations, du dérisoire de l'existence, parfois au détriment des personnes ou des groupes sur lesquels sont portés des jugements négatifs maladroitement ou méchamment travestis. L'autre type d'humour est différent et se fonde sur le "Cœur de Bodhisattva", c'est-à-dire sur l'idée d'échanger sa vie contre celle de l'autre, qui souffre en général, ou est sujet à la peur, au désespoir.

Sous cette seconde forme d'humour, nous nous identifions à l'autre (tout en restant nous-mêmes) et désirons instinctivement partager ses souffrances, non pas en sombrant avec lui, mais en lui apportant en échange du plaisir, de la joie, de l'amusement. Une autre idée préside à cet humour, c'est celle que nous nous sentons nous-mêmes remplis de la bonté fondamentale et qu'il nous est impossible de rester les bras croisés à contempler le désastre et la misère qui s'emparent de la plupart des êtres, progressivement ou bien de façon subite et circonstanciée.

C'est une manière opulente d'aider son prochain, car elle remplit le cœur bien sûr, mais permet aussi l'offrande d'une autre perspective, d'un autre regard, chance invitant des paradigmes transcendant la dualité à montrer le bout de leur nez.

Du fait de l'impermanence, ce genre d'humour ne peut rayer d'un trait, comme on le voudrait parfois, la réalité de la mort, de la perte, de la séparation et des souffrances qui vont avec, et surtout du manque de sens et de l'absurdité de la Vie.

A propos de la mort, j'ai dit ce matin à l'ambulancier : "si vous ne me trouvez pas en revenant me chercher, pas d'inquiétude, c'est que je suis mort sur le billard ! N'oubliez pas, d'abord le billard, et après le corbillard..." Il a paniqué un peu et a balbutié quelques mots réconfortants et apaisants. C'était très drôle (mais seulement pour moi cette fois). Je pense que cela a quand-même fait sa journée, non pas à rire, mais peut-être à se dire "c'est vrai, on peut tous mourir d'un moment à l'autre pour des conneries..." Quand tu penses ainsi, tu deviens déjà un peu plus intelligent.

A propos du manque de sens, mais je radote là, lorsqu'il est compris en profondeur et vécu sensoriellement il te gratifie d'un super-pouvoir, celui de créer la vie que tu souhaites et de réaliser ta mission, la seule qui te permet de te sentir à ta place dans l'Univers. Ce super-pouvoir peut être également celui de se "laisser créer" par tout ce qui est. Nous pouvons être volontaires autant qu'abandonnés. Et pour le moins, quand nous sommes dans ces courants-là, nous savons que nous sommes libres, et bons, et dotés d'une sagesse innée.

Cette sagesse innée n'a pas de contenu et n'est pas personnelle, c'est seulement le fait de savoir que tout est illusion, donc "vide" (shunya), ce qui indique de façon automatique que les illusions jouissent du majestueux statut d'Apparences, le jeu spontané et confiant de l'esprit dans sa condition non modifiée. Les Apparences sont l'activité lumineuses et naturelle de tout l'Univers. C'est l'approche éveillée de l'impermanence et de la vanité des choses, et non une déclaration philosophique de déprimé.

Hélas, quand l'ego s'en mêle, de telles expériences peuvent aussi conduire au fanatisme, à la violence, ou encore à une déresponsabilisation pitoyable et toxique.

Il y a donc un travail à accomplir. Nous devons, jour après jour, nettoyer notre mental, afin qu'il devienne le pur miroir du pur esprit, l’État Naturel. Cela, je le crois, commence par l'entraînement de cet esprit. Nous devons faire nos gammes comme un pianiste, un travail qui semble ingrat. Pourtant, purifier l'esprit et pratiquer l'amour, la générosité, la patience, la méditation (...) fait peu à peu de nous de "bonnes personnes" qui à tout moment seront aptes à se laisser dévorer par le Tigre de l’Éveil !

Oui, il faut bien que tout le monde mange. 😉

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