Ce texte est la conclusion en forme d'encouragement extraite d'un livre que j'avais écrit en l'an 2000 et qui s'appelait "le baiser de l'Ainsité". Je le dédie à nous tous, les gueux de l'univers! Et espère qu'il vous plaira...

 

montagne.jpg"C'est un monde immaculé, une terre de lumière. Tel un vêtement soyeux, le sol épouse les corps qui s'y déplacent baignés d'une douce clarté. Il n'y a ni épaisseur d'esprit ni dureté des choses, pas d'homme ni de femme. Nul besoin de se battre, de se reproduire, rien à perpétuer, rien à protéger. Le vent transporte les syllabes sacrées des enseignements secrets et l'on peut les voir s'imprimer dans l'espace, goûter leur saveur et les humer.

C'est un monde bienheureux, une terre de liberté. Il abonde en arbres à souhaits chargés de perles cintamani et de joyaux divers. Qui effleure une de ces perles, par le geste, par la parole ou la pensée, voit aussitôt l'achèvement de ses aspirations en accord avec la connaissance de la nature illusoire des dix-mille choses. Quand tombe la pluie, aucune motte de terre n'est dispersée, aucun animal n'est noyé. Quand se produit un tremblement de terre, c'est qu'un Bouddha vient à enseigner ou à entrer en nirvâna. Quand déferlent les torrents, c'est pour chanter le Dharma et les louanges de la nature de Bouddha. Le ciel est sans limite et possède la clarté inhérente de la Connaissance. L'esprit n'a nul besoin de réfléchir car doutes et questions de toutes sortes sont à jamais résorbés.

De ce monde, et par les six sens accueillants et parfaitement purifiés on peut embrasser toutes les terres de Bouddha. Sa couleur est la lumière incommensurable et sans nom de la conscience nue et pure. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel y naissent spontanément et génèrent des myriades de formes, toutes semblables à la grande Vacuité-Telléité. Dans les miroitements de l'eau se reflète l'infini de l'espace et ses ondulations disent en silence la continuelle métamorphose de l'union intime des apparences à la Base Primordiale.

En foulant cette terre, nul n'y trouve de pesanteur. De chaque pas accompli naît un lotus aux mille pétales, de chaque mouvement une pluie de fleurs et un déferlement de senteurs. Et sur chaque pétale de ces fleurs naît un Bouddha parfaitement constitué, et des rayons qui émanent de leurs corps surgissent à nouveaux des mondes innombrables et glorieux en lesquels des myriades de Bodhisattvas déploient leurs activités salvifiques.

Le bienheureux qui se trouve en un tel lieu voit son corps semblable à l'écho dans la montagne et il n'a de cesse de se réjouir en la félicité suprême de la Claire Lumière. Sans même un brin de volonté, il dépêche d'innombrables formes auprès des êtres et leur vient en aide, dans leurs rêves comme dans leurs activités mondaines. Il n'existe là ni peur, ni souffrance, ni mort, ni naissance, ni désir, ni haine ni obscurcissement, ni quoique ce soit qui puisse être qualifié par le plus petit phonème. C'est la fin de la douleur, l'anéantissement de la peur, la paix, le bonheur, le nirvâna, le baiser de l'ainsité. Il n'y a pas de "moi", de "toi", ni de "mien" ou de "tien". Toute conscience se suffit à elle-même. Toute pensée s'étend dans l'absence de limite, dans la Grande Vacuité, dans l'Ainsité. Tout se réalise en l'instant fugitif, au cœur de la présence infinie, au cœur de la conscience autoconnaissante.

Veut-on que ce monde prenne la forme de la Terre Pure du Bouddha Vairocana, il le prend. Veut-on qu'il prenne la forme de la Terre Pure du Bouddha Akshobya, il le prend. Veut-on qu'il prenne la forme de la Terre Pure du Bouddha Ratnasambhava, il le prend. Veut-on qu'il prenne la forme de la Terre Pure du Bouddha Amitabha, il le prend. Veut-on qu'il prenne la forme de la Terre Pure du Bouddha Amoghasiddhi, il le prend. Et de quel autre Bouddha encore?

Qui pénètre en un tel lieu? Les Saints et les Réalisés dit-on. Mais en réalité, tous les êtres s'y réjouissent en ce moment même. Attachés qu'ils sont à leurs propres illusions, ils ne le voient pas, ils ne le savent pas, ils le dédaignent et accroissent leurs souffrances en multipliant attachements et actes négatifs.

Dans de subtils canaux s'évanouissent les apparences tels des nuages emportés par le vent. Et aussitôt reviennent-elles comme des reflets de diamants sur la robe vide de notre Mère Primordiale."