Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 98

Jour 98

A quoi passé-je une grande partie de mon temps ? Eh bien à ne rien faire, absolument rien. Ce n'est pas évidemment par choix mais pour l'instant en raison d'une véritable incapacité. Mais bon... Je me vois quand-même en héros pour ça ! 😉

Alors, mon "rien faire préféré" consiste à m'asseoir dans le jardin, près de mon arbre vénéré, et à vivre et frémir avec le vent, un vent souffle qui souvent dans notre coin de paradis. Et je contemple les branches qui dansent, les feuilles qui frémissent, et le feulement du vent, si créatif et envahissant cet arbre et ses alentours. Et cela me contente, me nourrit et me soigne.

Les Tattvas, si tu ignores ce que c'est, sont en une expression lapidaire, des "briques fondamentales formant tout l'Univers" : Terre, Eau, Feu, Air, Ether. Il ne s'agit pas seulement d'éléments objectifs mais aussi de qualités fonctionnelles (solide, fluide, etc). Pour moi, être en lien avec les Tattvas, c'est être en lien avec la totalité du monde, les ornements incorruptibles et non moins exubérants de notre Cosmos que je vis à ce titre comme une mère qui nous porte chacun en son sein alors que nous sommes faits aussi des éléments essentiels de cette mère (Ma).

C'est ce que j'aime et célèbre par-dessus tout. Car je ne connais pas, dans l'affliction, la maladie, le malheur, plus doux et bienveillant que d'être lové dans cette nature maternelle. Tu le sais, n'étant pas un romantique, je suis donc d'accord pour déclarer que l'Univers n'en a rien à foutre de nous ! Il est, un point c'est tout. Pas de téléonomie, et c'est largement suffisant. Le reste est spéculations faussement spirituelles qui nous emportent parfois bien au-delà du goût du simple Réel, qui lui est juste naturel, et encore une fois sans rien de plus.

Bref, quand je sens la caresse du vent sur ma peau, je vois, je sens, je sais qu'il dissipe les attachements, les pensées malsaines, les souffrances et bien d'autres choses desservant le bonheur de l'être. C'est pour ce pouvoir du Tattva (à l'instar des autres Tattvas) que je vénère l'élément Air, le vent, la communication lorsqu'il est modulé par des cordes vocales ou de guitare, la légèreté de l'être, la dissipation des attachements et solidifications...

Je le sais, mon arbre adoré n'est qu'une illusion, une apparence, un phénomène totalement transitoire et sans essence fixe. Et pourtant il s'exprime par la danse du vent et le vent s'exprime aussi par la danse de l'arbre. Et moi je suis là, sans aucune pensée, sans intention, sans espérer quoique ce soit, sans rien redouter.

D'ailleurs, je ne suis pas si sûr d'être là, ni autre-part, ni d'être ce Navjeet à demi mourant. Tout cela, ce grand, immense, insondable Tattva est autant transcendant que naturel, au point que je n'espère rien de mieux, ne souhaite rien de plus que d'être moi-même cet Air qui va et vient partout à sa guise.

Quand je me laisse caresser par le vent, je n'ai pas de contours et pourtant s'installe un profond sentiment de familiarité. Oui, l'étrangeté des cent-milles choses du monde cèdent place à l'évidence d'une grande et indestructible famille. Ce vent est ma famille sans que je sache si je suis le père, la mère, la sœur... Ou tout peut-être ?

Je ne parle pas de Bhuta Shuddi, cette pratique traditionnelle de yoga par laquelle chacun célèbre les Tattvas de façon codifiée en vue d'évoluer et/ou d'aller mieux. Non, je parle de ce que cette pratique est censée induire pour les apprentis spirituels : le retour à la simplicité de sa vraie nature, l'acceptation et la joie infinie d'être une poussière d'étoile non-séparée, domaine où l'ego ne sait plus très bien quoi faire ou penser tant cela le dépasse.

Alors, je reste là un peu comme un idiot, ou comme une mémé assise sur le perron de la maison et pour qui le temps s'est à jamais arrêté. Je vois passer parfois quelque pensée, quelque impression ou sensation pour lesquelles il y a de l'affection, de l'admiration et un respect sans borne pour ce Jeu Magique de la Maya libérée.

C'est dans ces arcanes que s'exprime infiniment Kundalini, car cela est son domaine, un domaine sans bord ni direction. Je le dis souvent à tous ces hargneux compliqués de "l'élévation de la Kundalini" : "Pour qu'Elle s'élève, c'est très simple : tombe amoureux.se de l'Univers. C'est tout. Il n'y a pas d'autre voie".

Et puis, je suis aussi avec le soleil qui brule ma peau, et la pluie qui me nettoie et rend plus pur mon cœur meurtri, et la terre qui me soutient et offre toute sa sève, et l'espace duquel il n'y rien à dire, juste à apprécier.

Et je sais que, quand la mort viendra me prendre, elle ne prendra rien, car il n'y a rien hormis cet espace infini de la réalité cosmique, nue et terriblement présente, ornée de multiples apparences, toujours chatoyantes, dansantes et frémissantes, les Nomades Cosmiques...

Évidemment, c'est chouette et utile de pratiquer un yoga, à fond, avec ferveur et intelligence. Mais je veux que tu comprennes que ce ne sont là que prétextes, des supposés destinés à radier ta prétention et tes croyances iniques quant à un futur fruit déjà présent, là maintenant.

Plus techniquement, toutes thérapies confondues, je ressens que seul le Cosmos et ses Tattvas peuvent m'accueillir et me soigner. Le reste, comme pour le yoga, n'est que prétextes et supposés, nécessaires puisque je suis encore pas mal crétin et que je dois admettre que ces Tattvas s'invitent dans certaines spécifications de la matière.

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