Ecole de Adi Yoga - Nantes et Ile de France
 
Jour 412

Jour 412

Merci pour vos commentaires sur le précédent billet. Ca me réchauffe. 🙂

Je voudrai évoquer aujourd'hui une instruction donnée par Padmasambhava (Guru Rimpoché). Ce grand maître tantrique vécu en Inde et au Tibet médiéval. Il fut appelé par le roi du Tibet pour aider les bouddhistes alors persécutés par une autre secte.

"Ne laissez par la Vue se perdre dans les actions."

Un conseil qui prend en considération toute la vie humaine du chercheur spirituel... La Vue ou Vue Ultime est le moment où on se trouve dans l'état naturel de la Grande Perfection de "l'esprit-tel". Tous les phénomènes et les entités, bons ou mauvais, sont alors perçus dans leur vraie nature, vides, sans consistance, dépourvus de noumène, semblable à des tours de magie dans l'espace. Et la conscience demeure libre de toute affliction et de toute intention, pure et spacieuse comme le grand ciel. En un mot, la nature de l'esprit reconnaît la nature de l'esprit et on demeure ainsi dans la Vue.

Nous sommes tous plus ou moins débutants sur le Sentier, et ce statut dure parfois des décennies, et même des vies successives pour certains. La méditation, maigre mot pour désigner les moments où l'on tente de retourner vers cette Vue Ultime, est le moyen d'atteindre à cet état primordial de façon directe. Cette condition n'est rien de moins que le contenu vide et vaste de l'esprit des bouddhas, le Dharmakaya.

Mais dans l'état "post-méditatif" nous perdons cette condition et recommençons à considérer les phénomènes du samsara comme réels, durs et perdurant. Les actions, les pensées, les paroles sont vécues ainsi, avec leurs catégorisations, leur dualisme, leurs échelles de valeur. Alors, Padmasambhava dit que "la Vue se perd dans les actions", ce qui signifie que cette condition de l'état confus prend à nouveau le pas sur la Vue Ultime, et l'illumination est perdue. La Vue devient alors un simple concept philosophique et intellectuel sans grand intérêt pour la vie ordinaire, ce qui peut aussi engendrer de la déprime ou de la colère.

Puisque dans la Vue Ultime, les phénomènes sont perçus dans leur vraie nature, il n'y a pas de raison valable lors de l'état ordinaire de les percevoir autrement. Cette incurable manie est due à notre état d'ignorance fondé sur la vue d'un soi aux choses, une habitude prise depuis des temps immémoriaux et difficile à défaire par de simples actions de développement personnel.

Mais alors, comment faire ? Tout d'abord, au cours de la vie quotidienne, chercher à cultiver le souvenir de l’État Naturel, le célébrer comme on célèbre une star après le concert. Puis laisser la Vue s'inviter dans les action ordinaires, le plus souvent possible. Pendant que vous épluchez une carotte, pendant que vous parlez ou faites quoique ce soit d'autre, restez autant que possible dans la Vue et continuez d'observer tout ce qui arrive dans sa vraie nature vide et illusoire. Ceci permet à l'intuition profonde jaillissant de l’État Naturel de s'actualiser dans toute notre vie, de jour comme de nuit. Chaque moment, dans la douleur comme dans le plaisir devient un moment jubilatoire d'un bonheur paisible, pur, vaste et intelligent. Et ce frémissement de la Vue investit chaque pensée, chaque parole ou geste, mais aussi chaque cellule de notre corps. Il ne reste que l'amour ou la compassion, la passion de l'être célébrée à travers les autres, les insectes, les étoiles... Que tout cela soit illusoire ne nous gêne pas, au contraire, nous pouvons engendrer des mondes infinis, des lieux d'accueil à destination des êtres, des lieux de résidence où le vent colporte les vérité du Dharma, où les démons nous protègent et les dakinis nous célèbrent. C'est ainsi quand les actions ne se perdent pas dans la vue.

La Vue est directe. Pour réaliser la Vue, il est moins une question de temps que de direction et de posture. Il s'agit de couper directement à travers la confusion et l'ignorance qui la soutient, comme on le fait avec un vajra traversant le mandala en vue de sa destruction après qu'il ait rempli son office.

Et un jour, grâce à ces efforts sincères, nous vivrons dans la Claire-Lumière, dans un continuum de conscience sans limite.

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