La rencontre de notre conscience avec l'espace parfaitement pur et calme du Samâdhi est une situation exceptionnelle alors qu'elle devrait sans-doute être l'ordinaire de l'expérience humaine.

Quand nous expérimentons le Samâdhi, nous comprenons vite que nous menons (ou menions) des vies stupides, bien souvent préoccupés par des quêtes qui nous affectent plus qu'elles nous font du bien. Asservis aux dictats d'une société de consommation irrévérencieuse envers les humains et le reste de la Nature, nous passons le plus clair de notre temps partagés entre d'insatisfaisantes distractions et un travail harassant, quand ce n'est pas le chômage et ses conséquences néfastes. D'un tel mode de vie il ressort que le peu de loisir que cela nous octroie soit consacré à réparer les dommages physiques et psychologiques que nous nous sommes nous-mêmes infligés. Quelle étrangeté!

fujiyama.jpgL'un des apports fondamentaux du Grand Calme de Samâdhi, pour qui ce soit, est cette prise de conscience envers un mode d'existence inacceptable. Ce n'est pas la vie qui est inacceptable (au contraire elle est précieuse, quoique fragile et très courte!) mais notre façon de la gaspiller en vains espoirs, notre immense difficulté à être au-delà de la peur, au-delà de la saisie et des autres perturbations psychiques.

Lorsque nous goûtons de façon authentique aux qualités insondables de l'esprit en Samâdhi, nous changeons immédiatement de mode de vie. En fait, si ce changement n'arrive pas, on peut raisonnablement déclarer que l'expérience du Samâdhi n'a pas encore pris place.

La méditation est une voie, un chemin, une démarche profonde évoluant en-dehors des modes de penser actuels et de ses dictats. En faire un produit de consommation, une source de profit ou de succès, un gadget cognitivo-comportemental, un médicament, un loisir, une hygiène mentale, un complément alimento-spirituel... tel que cette tendance se développe dans notre société, est une atteinte grave au seul espace de liberté qui reste à l'humain, et bien-sûr au patrimoine de sagesse plusieurs fois millénaire pour lequel d'innombrables femmes et hommes ont fait des sacrifices, pris des risques et parfois même perdu la vie.

Aussi, ce que nous appelons la Vue dans les plus hautes sphères du Yoga, est-elle cette prise de conscience qui doit s'établir en amont de toute démarche méditative, faute de quoi la méditation restera stérile, inutile et parfois même dangereuse au point de consolider nos états névrotiques ordinaires. La Vue - qu'on nomme aussi la Vue Philosophique ou introduction à la nature de l'Esprit - requiert de chacun d'initier en lui une recherche profonde et intransigeante, sans rechigner à mettre sa vie en jeu et s'interroger activement sur le sens de la douleur, sur celui de son origine, sur la probabilité de sa cessation et le chemin qui pourrait y conduire. A défaut de la Vue, la méditation n'est qu'un gadget de plus dans le palmarès des distractions mondaines. Sans-doute que les résultats ne seront pas à la hauteur de l'aspirant. Et certainement que ce déficit dévoiera un tel joyaux dans les temps à venir, privant ainsi l'humanité d'une chance précieuse.

Je vois, entre-autre, l'Atelier Claire-Lumière comme un bastion de résistance, résistance à la pensée dominante, résistance à la violence visible et invisible de notre société, résistance à l'ignorance consensuelle véhiculée et entretenue par chacun d'entre-nous, résistance à la résignation. Je le vois aussi comme un hommage incessant aux grands maîtres de sagesse, un hommage à l'être au-delà des formes, et encore à la Base Primordiale de tout "Ce-Qui-Est" en raison de son insondable clarté et de sa réalité toute-englobante. En ce qui nous concerne, si nous nous entraînons si hardiment dans la méditation, c'est que nous avons cette douce mais ferme conviction qu'elle est une voie royale vers soi-même autant que vers les autres, tous les autres comprenant pèle-mêle les humains, animaux, végétaux, étoiles... et autres ratons-laveurs...