Pour beaucoup de personnes la Vacuité, Shunya (ou Shoonya) est effrayante. Pourtant, la confrontation avec le Vide est une expérience à traverser quand on ambitionne de vivre une expérience de l'Absolu et se libérer de la souffrance.

Shunya n'est pas l'absence de soi-même, ni le néant, mais avant tout l'absence d'existence propre ou principielle de êtres et choses. Shunya est à la fois inaltéré et inaltérable par tout ce qui est tout en étant présent continuellement. Et en tant qu'expérience spirituelle globale, Shunya est présent au moment de l'effondrement de nos attachements, de nos peurs, obsessions, croyances... C'est donc l'ouverture à une dimension subtile et sous-jacente de l'être, à ce qu'on est vraiment en essence qui est une non-essence !

Pour savoir "qui je suis" et en jouir pleinement, il me faut découvrir cette dimension, cet état de conscience qu'on nomme la Matrice, la Mère Universelle, et donc retrouver la Conscience Primordiale qui me soutient en ce moment-même. Et je dois pour cela rencontrer puis traverser le Vide, Shunya.

On dit qu'il est mieux d'avoir un esprit positif plutôt que négatif. Le premier engendre joie et bonheur, et le second tristesse et malheur. Mais ces deux tendances de l'esprit humain n'ont rien de stable et alternent continuellement. Joies et tristesses sont impermanentes, et cette impermanence nous ramène toujours à la question de l'Absolu, de la Libération, l'Au-delà-Des-Peines. Il s'avère que ni le mental positif, ni le mental négatif ne permettent l'expérience de Shunya, car l'un et l'autre restent attachés aux objets, aux passions et à toutes les apparences illusoires du monde. Il est nécessaire d'aller bien plus loin, et pour le moins au-delà de cette dualité. C'est pourquoi nous méditons en essayant de lâcher prise sur les "ceci et cela" qui fondent l'expérience de la vie ordinaire. Nous méditons jusqu'à ce que la neutralité du mental soit avérée, jusqu'à ce que nous puissions le plus simplement observer "ce-qui-est", en conscience et dans un état d'ouverture à la totalité de ce qui survient. Cette ouverture est neutre, notre mental est présent et neutre". Le mental neutre" permet à la conscience d'accéder directement à la Connaissance de Shunya.

C'est une ouverture sur l'âme, un trou dans l'épais manteau de l'ignorance de la nature des choses. Lorsque Shunya prend place, tout notre être en fait l'expérience. En réalité, Shunyata est tellement transcendant que notre mental peut tout aussi bien se manifester positivement ou négativement sans que cela affecte cette expérience du Vide. C'est pourquoi, nous n'avons pas besoin de nous transformer, de nous améliorer ou de chercher à devenir des saints. Quelque soit votre état intérieur et extérieur, quand se produit l'expérience, demeurez dans l'expérience. Comme toujours, le mental veut commenter,  prendre position, saisir... Quoiqu'il arrive, n'ayez pas d'attitude ! Ne faites rien et demeurez !

Lorsqu'en présence de la Shunyata nous sommes aptes à rester neutre, un "aperçu d'Éveil" s'offre à nous. Nous obtenons ce qu'on appelle "la Vue" ou "la Vision". C'est une empreinte indélébile et une merveilleuse auto-bénédiction. Cela ne signifie pas que vous serez aussitôt des Saints, et libérés des lois du karma ni parfaitement éveillés. Non, c'est juste un aperçu. Autrefois, on marquait au fer rouge les messagers marathoniens pour qu'ils n'oublient pas le message qu'ils devaient délivrer à leur destinataire, car l'épuisement des longues courses à pied pouvaient leur faire perdre la mémoire. L'aperçu d’Éveil, l'Illumination, est semblable à ce "marquage" du mental. Un marquage empreint de vérité, de sagesse et de félicité (Sat-Chit-Ananda). C'est donc un précieux tatouage car il vous évite de vous égarer sur la Voie. A chaque instant, vous savez d'où vous venez, où vous allez, qui vous êtes et pourquoi vous faites ce chemin ! Cette empreinte qui brille en vous est un véritable trésor et elle devrait être entretenue et choyée par la méditation régulière, l'entraînement yoguique et la dévotion.

Pourtant, Shunya n'est pas la totalité du Réel ou de l'Absolu mais pour le moins la condition nécessaire de l'expérience, le contexte fondamental dans lequel se meuvent toutes les apparences illusoires du monde. C'est un peu comme l'espace qui tout accueille. A ceci près que "l'espace n'a pas de conscience alors que nous, si !" nous rappelle le Saint Milarépa. Sans les manifestations illusoires ou apparences, Shunya serait le néant. Il est dit dans les préliminaires du Yoga la Claire -Lumière : "Ne conçois pas le Vide comme le Néant..." Aussi devons-nous observer simultanément la totalité de l'expérience et son contenu (après avoir laissé tomber les impressions, les savoirs et les attachement du mental). La totalité de l'expérience est vide en soi, et son contenu un non-contenu. Ainsi, le mental n'ayant plus rien sur quoi faire fonds, se trouve en présence de son ultime vérité. Mieux encore, il est lui-même Shunya, et ce qu'il expérimente révèle cette Shunyata d'instant en instant, comme un écrin sophistiqué met en valeur l'inestimable joyau. Alors la Connaissance luit.

Cette identité essentielle entre Shunya et ses apparences illusoires est reconnue comme la vraie nature du monde. On la nomme "Unique Saveur" parce que l'essence-même de la totalité de nos expériences ordinaires et extraordinaires est immuable et exprime l'identité fondamentale du Vide et des Apparences, ou Union Primordiale. L'Unique Saveur, l'Union est l'expérience de CELA-QUI-EST, l'expérience divine.

D'un point de vue pratique, il est bon que mental positif et mental négatif soient équilibrés et communiquent entre-eux. Pranayama favorise cet échange. On doit être calme, détendu et accueillant, avec une attention soutenue, et en sollicitant toutes les capacités de notre mental pour cela, ainsi que le son (naad), la posture (asana), l'intention (bhakti), la sensibilité attentive et douée de mémoire (smriti)... Il faudra, à un moment, laisser ce mental en retrait, rester dans le ressenti non-verbal pour le lâcher à son tour, permettant ainsi à la conscience de s'ouvrir comme les pétales d'une fleur s'ouvrent sur son pistil autant que sur le ciel.

On dit que pratyahara, passage incontournable sur le chemin, est le "retrait des sens". La conscience se tourne enfin vers l'au-delà ou l'en-deçà des expériences sensibles. Et la Conscience Primordiale s'étale ici-même, tel un oiseau en cage rejoignant l'azur infini, sa vraie demeure.

A travers la vacuité du mental, aller encore et encore vers l'essence de son être, vers CELA-QUI-EST, c'est le fondement de la méditation (et du yoga en général). Ce travail n'a pas d'autre utilité que de lever définitivement le voile de l'ignorance et la pesanteur de toutes sortes d'accablements, et cela même si l'on empruntait la Voie par l'étroit portillon des désirs superficiels.

Si vous établissez votre communication à partir de CELA, vous vous sentez libre, riche, noble et gracieuse. Votre aura est transparente et vaste et englobe tout votre entourage. Elle porte et rassure. Vous comprenez que vous n'êtes jamais séparée de rien, ni de personne, même des ancêtres et des êtres à venir. Vous possédez la fierté divine, ou plutôt elle vous possède, et le nectar de CELA coule en vous et autour de vous. C'est le chemin de la Sagesse et de l'Amour.