tumo.jpgNous avons tous un "moi ordinaire" que nous ne connaissons pas très bien mais avec lequel nous devons vivre vingt-quatre heures par jour. Nous avons aussi un "moi extraordinaire" que nous connaissons encore moins et avec lequel nous vivons aussi vingt-quatre heures par jour! Le second se dévoile quand le premier s'efface. C'est pourquoi, lors de la méditation, nous devons laisser le mental (organe du "moi ordinaire") se déposer, se détendre, se reposer... Sur quoi repose alors le mental? Sur sa base, comme toute chose déposée! Et cette base est notre "moi extraordinaire". Il n'a de qualités que le vide, la luminosité, l'amour. Plus vaste que le ciel, plus proche de soi que les cils ne le sont des yeux, il est continûment disponible. Mais (le dirais-je assez?) ce n'est pas une chose. Ce n'est pas quelqu'un.

En revanche, nous ne méditons sans-doute pas vingt-quatre heures par jour car il est impossible de contraindre le mental en lui imposant quelque chose de l'extérieur. Les législateurs et les religieux s'y sont tous cassés les dents! Cela peut fonctionner un moment, puis la tension ou au contraire l'ennui finissent par s'installer, ce qui nous plonge parfois dans des situations détestables. Mais en raffinant le fonctionnement du mental, en le libérant peu à peu de ses obsessions, de ses névroses, cancers et autres misères, il se dépose et un jour la Lumière luit. Raffiner le mental est un travail très spécifique. Il diffère en essence de toutes les activités mentales et intellectuelles que nous connaissons et pratiquons depuis toujours. C'est pour cette raison que le raffinage du mental est difficile. C'est un peu l'aventure, l'inconnu, l'immersion progressive dans une grotte sans fond ni contours.

Si vous raffinez du pétrole, au dernier stade il n'en reste plus rien. Si vous raffinez le mental arrive aussi un moment où il n'y a plus rien! Ce "rien", débarrassé de toute fabrication, concept, altération... est notre état naturel, pure conscience, joie sans limite, énergie indomptable. Le "rien" de la Claire Lumière est vide, mais ce n'est pas le néant. Il est dit : "Ne vois pas le Vide comme le néant..." Cela signifie que, lorsque le néant est lui-même vidé de son propre concept, le vide est tout autre chose que ce que nous pourrions imaginer. C'est le contenu même de la conscience éveillée, c'est ce "moi extraordinaire" qui d'ailleurs n'est pas un "moi" et reste des plus ordinaire!

Grâce au dhyâna (shiné par exemple), le mental goûte au samâdhi, il se repose de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps dans l'espace savoureux du vide aimant de Rigpa ou Claire Lumière. Un jour, raffiné et habitué à "Cela", il connaît et reconnaît la vraie nature de l'esprit. Le "moi ordinaire" et le "moi extraordinaire" coïncident et il n'y a plus rien à faire pour soi. Est-ce la fin du voyage? Non, le début je crois. Le début d'une solidarité toute englobante et cosmique, le début de l'amour universel sans-cesse ravivé par le frémissement subtil de la Chaleur (Tumm'o)