Ce que nous appelons le monde ordinaire, ou la vision mondaine, ou encore la folie ordinaire, c'est le fait d'évoluer dans un monde entièrement fabriqué de nos propres concepts. Notre vie est ordinaire ou décevante parce que nous croyons qu'elle est ordinaire ou décevante. Il n'existe aucun étalon conceptuel permettant d'attester de la réalité de ce que nous éprouvons.

Dans le tantra bouddhique nous considérons que le monde est tel que nous le voyons. Mais ceci peut être interprété de deux façons : soit nous le voyons ainsi et il est ainsi, soit nous le voyons autrement et il est autrement. Dans l'état ordinaire, nous le voyons ainsi et jamais autrement! C'est pourquoi notre vision des choses est toujours ordinaire. Mais encore une fois, rien ne permet de penser qu'elle soit juste. Le résultat est seulement que tout reste ordinaire et que c'est bien souvent insatisfaisant.

Voilà pourquoi le pratiquant cesse définitivement de voir le monde ainsi. C'est une rupture radicale avec la vision ordinaire qui, pour la plupart des gens s'apparente à une forme de folie! Pensez-donc : voir le monde autrement...

On se visualise continûment sous la forme du Herouka ou de la Yogini, éprouvant les hommes et les femmes comme Dakas et Dakinis, le vent comme message divin, l'eau comme soma, la nourriture comme amrita (ou nectar), l'univers entier comme la Terre Pure d'un Bouddha... Par l'habituation de l'esprit à cette sensorialité divinisée, perceptions et conceptions ordinaires s'effondrent d'elles-mêmes, en toute sûreté, et avec elles les afflictions, et finalement cette folle sagesse elle-même.